Obésité : comprendre cette maladie chronique au-delà des préjugés
Source : Le Mutualiste.
L’obésité est, encore aujourd’hui, entourée d’une multitude de préjugés et d’idées préconçues tenaces. Or, il s’agit d’une maladie chronique multifactorielle complexe qui ne se résume pas à un simple manque de volonté de la part des personnes qui en souffrent. Il n’existe pas non plus de solution miracle pour la soigner. On fait le point.
L'obésité est un problème de santé publique mondial car son incidence ne cesse d’augmenter. Mais de quoi s’agit-il vraiment ? Du point de vue médical, elle correspond à un excès de masse grasse qui entraîne des conséquences néfastes pour la santé (diabète de type 2, hypertension, cancer…). Mais ce n’est pas tout. C’est une véritable maladie au sens de la définition de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) : « un état qui met en jeu le bien-être physique, psychique et social de l’individu ». « Il faut insister sur le fait que l’obésité est une maladie chronique, confirme la professeure Blandine Gatta-Cherifi, endocrinologue au CHU de Bordeaux, responsable du centre spécialisé pour la prise en charge de l’obésité et membre de la Société Française d’Endocrinologie (SFE). En tant que telle, elle nécessite une surveillance au long cours. Il est possible de la contrôler et de bien vivre avec, mais il peut aussi y avoir des rechutes comme dans toutes les autres maladies chroniques ». Toutefois, la particularité de l’obésité est son retentissement psycho logique et social. « Dans notre société où les préjugés et la grossophobie sont présents, les patients sont stigmatisés dans leur vie quotidienne mais aussi dans leur parcours de soins », observe-t-elle.
Une pathologie aux multiples origines :
Cette maladie n’est pas liée à une cause unique, comme on l’entend souvent, mais elle est, au contraire, multifactorielle. « Elle est le plus souvent due à la rencontre d’un terrain génétique à risque — en cause dans la moitié du niveau de la masse grasse — et d’un environnement obésogène », indique l’endocrinologue. Bien sûr, les changements alimentaires de ces dernières décennies et la sédentarité accrue jouent un rôle incontestable. Mais à cela peuvent s’ajouter un environnement psychosocial difficile (des évènements familiaux ou professionnels négatifs, du stress…), les effets secondaires de certains médicaments ou encore la composition du microbiote intestinal.
L'IMC, un indicateur incomplet :
Tous ces facteurs aboutissent à un déséquilibre de la balance énergétique (différence entre apports et dépenses). « Dire que l’obésité est liée à un manque de volonté du patient est donc complètement faux, d’autant que l’on ne dit pas cela des personnes qui sont concernées par d’autres maladies chroniques », constate Blandine Gatta-Cherifi. Pour déterminer si une personne en souffre, on utilise aujourd’hui l’indice de masse corporelle. Quand celui-ci est supérieur à 30 kg/m2, on considère qu’il y a obésité. « L’IMC est un outil simple et universel mais il est incomplet, tempère la spécialiste. Deux personnes ayant un même niveau d’IMC peuvent avoir des pathologies très différentes avec des conséquences diverses. C’est pour cela que de nouveaux outils sont aujourd’hui discutés dans les sociétés savantes. La Haute Autorité de Santé a d’ailleurs proposé, dans ses recommandations de 2022, une classification de l’obésité permettant d’orienter la prise en charge. Celle-ci est déterminée en fonction de l’IMC mais aussi du niveau de sévérité des pathologies associées, du retentissement sur la qualité de vie ou encore du tour de taille. » Ce dernier critère, un temps abandonné, est aujourd’hui peu à peu réutilisé. Il permet d’évaluer l’excès de graisse accumulé au niveau de l’abdomen.
Un objectif : améliorer l’état de santé :
Une fois le diagnostic posé, le suivi médical doit être adapté à chacun. « Nous ne prenons pas en charge un poids ou un IMC mais bien un patient souligne la professeure. Notre objectif n’est pas la perte de poids mais bien l’amélioration de l’état de santé global. Nous essayons d’identifier les causes de l’obésité pour agir dessus, si cela est possible. Et en parallèle, nous prenons en compte les complications associées pour les traiter. La prise en charge est personnalisée. »
La reprise d’une activité physique régulière couplée à une alimentation équilibrée constitue un premier niveau de prise en charge. Mais attention, ici pas de régime restrictif ! « Il n’est pas question de compter les calories mais bien de manger sain et varié et d’avoir des apports raisonnables, précise-t-elle. Les régimes restrictifs peuvent en effet provoquer une perte de poids à court terme mais qui sont suivis d’une reprise, parfois supérieure encore. Ils entraînent une modification du métabolisme. C’est ce que l’on appelle l’effet yo-yo et c’est ce que nous essayons d’éviter. » Il existe également de nouveaux traitements. « Mais ils ne conviennent pas à tous les patients et il faut les utiliser correctement », prévient l’endocrinologue.
Un nouveau médicament disponible en France :
Déjà commercialisé dans 15 pays, le médicament Wegovy, qui permet de lutter contre l’obésité, est disponible dans les pharmacies françaises depuis le 8 octobre dernier. Ce coupe-faim ralentit la vidange de l’estomac pour donner la sensation d’avoir le ventre plein. Il agit également au niveau du cerveau pour obtenir un sentiment de satiété. Ces deux effets combinés font que les patients mangent moins. Vendu uniquement sur ordonnance, il est destiné aux personnes de moins de 65 ans, dont l’indice de masse corporelle (IMC) est supérieur à 35.
Il s’injecte en sous-cutané, une fois par semaine. À l’heure où nous écrivons ces lignes, ce médicament n’est pas remboursé par l’Assurance Maladie et son prix varie de 270 à 310€ pour un mois de traitement.
Pas de solution miracle :
Dans les cas d’obésité extrême, la chirurgie est une des solutions. Elle limite la capacité à ingérer des aliments, en réalisant une ablation partielle de l’estomac ou en y associant un court-circuit du jéjunum, la partie centrale de l’intestin grêle. « La chirurgie garde toute sa place dans la prise en charge mais elle n’est envisageable que dans certaines indications et elle nécessite un parcours spécifique avant de s’y engager et un suivi prolongé après l’opération, explique la professeure Blandine Gatta-Cherifi. Il n’existe ni produit, ni solution miracle pour soigner l’obésité. »
Former et informer :
Le frein le plus important dans la prise en charge de l’obésité demeure la méconnaissance de la maladie. « Il faut améliorer la communication pour mieux informer le grand public sur ses causes, estime la médecin. Il faut aussi prévenir les patients à risque de développer une obésité ou ceux qui commencent à développer quelques facteurs comme un tour de taille ou une glycémie qui augmente. » Du côté des professionnels de santé aussi des efforts doivent être menés. « Il est important d’aborder le sujet de l’obésité dans les études de santé au sens large, affirme-t-elle. La formation des professionnels est nécessaire pour éviter les réflexions désagréables ou les regards réprobateurs que peuvent parfois nous rapporter les patients. » Informer sur cette maladie chronique et ses causes sont les clés pour mettre fin aux préjugés sur l’obésité et permettre aux personnes qui en souffrent de se sentir mieux dans notre société.